Chapitre sept

En entrant dans sa cabine, Roxanne fut atterrée par le regard grave et suspicieux d’Isabelle. La femme d’âge mûr avait passé la journée à broder. La monotonie ne l’affligeait toujours pas, mais quelque chose dans son regard rendait la jeune voyageuse inconfortable. Assise sur son petit tabouret, elle avait la tête vers le bas mais les yeux sur Roxanne.

- Qui est-il? dit-elle.
- Qui est qui?
- Vous savez très bien de qui je parle : ce jeune homme.
- Un voyageur, démontrant un peu de savoir-vivre en me faisant visiter les lieux.
- Vous savez très bien que votre père, que Dieu ait son âme, désapprouverait ces agissements, et je vous recommande fortement d‘y mettre fin séance tenante.
Roxanne se mit sur la défensive, pour faire face à ces propos.
- Je fréquente qui je veux, et sachez que ce monsieur est tout ce qu il y a de plus respectable. Il respecte au plus profond de son cœur sa famille et ce qu’elle a bâti. J’admire sa détermination et sa passion. Et je…
- J’ai trouvé ceci ce matin. Je l’ai lue ; c’est une lettre d’amour, vous invitant à rejoindre cet homme ce soir. Et c’est loin d’être respectable.
- Réellement ?
Roxanne se précipita vers l’enveloppe blanche dont le sceau avait été retiré et la saisit brusquement.
- Ce n’est pas à vous de la lire, Isabelle. Mon courrier est privé !
Isabelle se dirigea vers sa robe de nuit, l’enfila, et se glissa entre les draps de son lit.
- Et maintenant, mademoiselle, j’aimerais prendre du repos. Or donc, je vous souhaite la bonne nuit.
Elle souffla délicatement sa bougie et sombra dans un sommeil profond après une vingtaine de minutes. Sa nuit fut douce et calme, rythmée par l’incessante houle se fracassant à intervalles réguliers sur la coque. Quand à Roxanne, elle dût attendre que sa gouvernante soit endormie pour pouvoir aller rejoindre l’homme sur le pont.