-Cessez de divaguer, Mademoiselle!
-Pardonnez-moi, madame, je songeais à mon pauvre père. À propos, avez-vous des nouvelles de l’état dans lequel il se trouve?

« Je suis probablement la seule qui se soucie de mon père sans en vouloir à ses biens. Tous veulent s’assurer que leur nom figure sur son testament! L’autre jour, un certain Le Guennec voulait nous imposer la vente d’une terre alors qu’il savait très bien que mon père n’était pas en état de négocier. Une chance que je n’ai pas assisté à cet échange, je n’aurais pas pu retenir ma colère. C’est incroyable, ne soyons gentils qu’avec ceux qui ont des richesses et lorsqu’ils seront malades et mourront, récoltons une partie de leurs biens. Je l’ai vu dans ses yeux ; j’ai vu la méprise avec laquelle il discute avec ces escrocs, ces sans-cœur. De toute façon, ce n’est pas parce qu’il est malade que mon père doit mourir, sa santé s’améliorait déjà l’autre jour… j’espère pouvoir le voir aujourd’hui… »

Trois semaines plus tard, j'arrivai à Versailles extrêmement fatigué. En effet, la conduite d'une charrette n'est pas de tout repos. Je la laissai donc devant le château puis rassemblai mes quelques bagages autour de moi. Dans la grande avant-cour pavée du château, retentissaient des coups de marteaux et des cris que les contremaîtres lançaient aux ouvriers. Je n'avais jamais rien vu de tel. Le château, encore en chantier, était grandiose. Le bâtiment principal en "U", prolongé de deux ailes, entourait une esplanade immense tandis qu'une autre aile perpendiculaire au château rompait la symétrie sur ma gauche. Derrière moi, trois larges avenues à la perspective parfaite convergeaient vers les écuries, construites en demi-cercle face au château. Courtisans en grande pompe et ouvriers couverts de plâtre se croisaient en un curieux menuet. Au milieu des échafaudages, boutiquiers, camelots, perruquiers, vendeurs de bougies et de fagots avaient installé leurs habituelles baraques en planches. Une ville dans la ville !

- Fruits, oublies, limonade ? demanda un gosse.
- Non merci.
- Visite des jardins alors ? Deux sols seulement.
- Je t'ai dit non... Attends, où sont les cuisines?
- Un sol le renseignement, fit l'enfant en me tendant une main crasseuse.
- Tu es fou, il y a ici cinquante personnes qui me renseigneront pour rien.
- C'est par là, répliqua le gosse avec une grimace de colère.

Je m'engageai dans la première entrée de l'aile de droite, croisant les ouvriers. Au bout du corridor, un petit escalier. Étrange, me dis-je, que dans un si grand château les cuisines soient si difficiles d'accès. Les pièces nues en enfilade avaient toutes au minimum une fenêtre et deux portes, pour l'heure, toutes ouvertes et toutes semblables. Je poussai une porte à droite. Pièce vide, couloir, salon, couloirs... L'envie me vint d'hurler jusqu'à ce que quelqu'un vienne me chercher. Salon, pièce, vide, couloir, salon, couloir...Alors que j'avançais dans la pièce pour prendre une porte en face, un homme surgit devant moi. Je surmontai ma peur et il engagea la conversation.

- Bonjour, puis-je vous aider ?
- Certainement, je cherche le gestionnaire pour lui vendre du vin. Sauriez-vous où le trouver ?
- Ne cherchez plus, il est devant vous. Je me présente : Octave Delso, gestionnaire des cuisines. Quel vin nous apportez-vous monsieur... ?
- Émile Dreyer. Je m'en viens d'Alsace avec un vin des plus exquis : le Gewurtztraminer par excellence.
- Très bien, alors, allons donc le goûter.

Le système monétaire Différentes monnaies du XVIIe siècle Versailles Le château et son origine L'Alsace La région et ses exploitations viticoles		Eguisheim : ville dans la région d'Alsace, en France. (voir capsule «l'Alsace») Contremaître : Celui qui est responsable d’une équipe d’ouvriers Esplanade : Terrain aménagé devant un édifice une maison en vue d’en dégager les abords Fagot : Faisceau de menu bois, de branchages Oublie : Petite gaufre en forme de cylindre ou en cornet Gestionnaire : Sous-officier qui administre une manutention, un mess Gewurtztraminer : Vin blanc d’Alsace très reconnu