Chapitre deux

Roxanne se regardait dans le miroir, songeuse. Cela faisait des mois que son père était tombé malade. Au cours de sa maladie, elle avait redouté le jour où il succomberait. Elle avait été complètement détruite quand ce jour était arrivé. Son père était mort le surlendemain de son seizième anniversaire.

« Cela ne fait que deux jours que j’ai 16 ans et déjà il me laisse seule. Pourquoi ? Pourquoi es-tu parti, père ? Je n’ai pas encore surmonté la mort de maman que déjà tu me laisses à ton tour ? Je ne peux pas vivre ici seule… Oh! Dis-moi que tout ça n’est qu’un rêve, dis-moi que tu n’es pas parti, mon cher papa! »

Il me conduisit aux cuisines après avoir mis en sécurité ma cargaison. Le gestionnaire, fin connaisseur, me fit l'éloge des arômes que contenait mon vin. Il alla chercher ses comptes, et m'en offrit un bon prix. Puis il m'apprit qu'un bateau du Roi partait six mois plus tard pour le nouveau monde. Le roi avait l’intention d’étudier la possibilité d’instaurer la production viticole en Nouvelle-France. Le jour suivant, le roi me demanda, par l’intermédiaire d’un valet, de remplir ce rôle d’enquêteur et d’entamer la mise en place de la première exploitation viticole de Nouvelle-France. Il semblait très enthousiaste à cette idée, car il avait particulièrement adoré mon vin et il faisait de grands éloges à mon sujet auprès de sa cour. J'avais toujours rêvé de voir la mer, de naviguer sur les océans, ainsi que de découvrir d'autres horizons. Pourquoi ne pas me lancer dans cette grande aventure ? Je me donnai le temps de réfléchir avant de prendre une décision qui changerait ma vie. En attendant, je m'installai chez un nouvel ami des cuisines. Ma décision se clarifia dans les jours qui suivirent. Je me dis que cette opportunité était unique et qu’il s’agissait d’un très bon moyen d’honorer mon père et les générations antérieures qui avaient toutes consacré leur vie pour aboutir à un si grand vin. Quoi de mieux pour un viticulteur dans l’âme que de voir son vin devenir un exemple pour une population entière. Lorsqu’il apprit que j’avais accepté sa proposition, le Roi me finança largement et fit venir quelques uns des plants de mon domaine.

Des larmes chaudes coulaient sur son visage défait. Elle se dirigea vers sa chambre, s’approcha du pupitre et en sortit une feuille de son plus beau papier ainsi qu’une plume et commença à rédiger. Malgré ses efforts, elle ne put empêcher ses pleurs de choir sur l’encre noire. C’est avec un poids sur le cœur qu’elle écrivait à son oncle, intendant de Nouvelle-France.

Paris, 12 octobre 1797

bureau roxanne Mon cher oncle,
Cela fait longtemps que vous n’avez pas écrit, je ne reçois plus de vos nouvelles. Nous qui étions si proches lorsque vous viviez en France. Les choses doivent être si différentes sur la nouvelle terre. Elles ont changé ici aussi : comme vous devez le savoir à cette heure, mon père est décédé dans la nuit du 10 octobre. Notre famille est dissoute et il ne reste que moi. Je n’ai pas d’autre famille en France, et je refuse qu’on m’enferme entre les quatre murs d’un château où les souvenirs de mon père et de ma mère pourront me tourmenter à jamais. Je vous en prie, veuillez empêcher une telle chose et acceptez de me prendre à votre charge, chez vous, en Nouvelle-France. Ma gouvernante m’accompagnera. Je puis me débrouiller financièrement grâce à l’héritage de mon père. Il m’a tout légué. Accepteriez-vous, cher oncle, de m’offrir ce toit, m’évitant ainsi l’alternative que je perçois telle une prison ?

J’attends impatiemment votre réponse,

Roxanne


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